Patrick Martin sur France Info : « Nous appelons à une forme de responsabilité de la part de tous les acteurs politiques »
Invité du Journal de 7 heures de France Info, le 7 octobre, Patrick Martin revient sur l’onde de choc provoquée par la démission de Sébastien Lecornu et sur les conséquences de la situation politique sur l’économie.
Sur l’inquiétude des chefs d’entreprise
« Ce qui se livre sur le champ politique augmente dans nos rangs une inquiétude qui existait déjà. Depuis plus de deux ans, les investissements en France sont en baisse, alors qu'on devrait, comme cela se passe dans tous les autres pays, accélérer sur le numérique, sur la décarbonation, sur la compétitivité. Sur le marché de l'emploi, dans le secteur privé, il y a, sur l'année écoulée, déjà, cent mille suppressions de postes. C’est un peu masqué par des créations d'emplois dans la fonction publique et l'économie sociale et solidaire, mais la pente déclinante est engagée. On perd en compétitivité. Que font les pays voisins pendant ce temps ? Ils accélèrent. Et on a ce spectacle politique qui nous désole. Nous appelons donc à une forme de responsabilité de la part de tous les acteurs politiques. »
Sur le décrochage de la France
« Le décrochage est enclenché. Prenons le cas de l'Espagne. Sa croissance va être quatre fois supérieure à celle de la France cette année. L'Espagne soutient ses entreprises. L'Allemagne, stratégiquement en difficulté, parce que beaucoup exposée à l'exportation, prend des mesures avec un Gouvernement de coalition et des mesures de soutien massif aux entreprises. Et nous, nous sommes dans des débats très hors-sol. On est évidemment profondément démocrate et républicain, mais à un moment donné, il faudrait qu'il y ait une prise de conscience collective des politiques pour appréhender cette situation économique qui se dégrade. (…) Prenons le cas du logement. C'est un scandale national, aucune décision n'est prise pour relancer le logement. Il y a 26 ans d'attente maintenant à Paris pour accéder à un logement social. Il y a 2 900 000 foyers français qui attendent un logement social. Prenons le cas de l'apprentissage, qui était une grande réussite collective. Il y a des mesures d'économie de bout de chandelle, qui ont été prises pour des raisons budgétaires, et parce qu'il ne faut surtout pas aider les entreprises, surtout pas. Résultat : 65 000 jeunes de moins, cette année, en apprentissage. (…) Nos entreprises sont sur un point de bascule. Bien sûr qu'on est prêt à faire des avancées sur certains sujets, mais il ne faut pas qu'à la fin, comme c'était le cas en 2025, on nous colle 13 milliards d'impôts en plus ».
Sur la suspension de la réforme des retraites et la taxation des ultra-riches
« Les nouveaux impôts, cela nous fait frémir. Le projet précis de taxation des patrimoines est une usine à gaz, comme la direction de la législation fiscale sait les faire. Quant à la suspension de la réforme des retraites, nous, notre intérêt direct, ce n'est pas la réforme des retraites. Aucune entreprise ne se battra pour la réforme des retraites. Mais on prend en compte, parce qu'on est responsable, les effets macro-économiques. On a des déficits publics astronomiques, et il faudrait, à ce moment-là, suspendre la réforme des retraites ? »
Sur la hausse des taux d’intérêts
« Beaucoup considèrent que la hausse des taux d’intérêt est une abstraction qui ne concerne que l'État. Mais non, cela concerne les ménages et les entreprises, cela renchérit le crédit à la consommation et le crédit immobilier. Et puis cela renchérit effectivement les coûts de fonctionnement des entreprises pour leurs investissements et pour leur trésorerie. Donc c'est très grave. »
Sur ce que peuvent faire les chefs d’entreprise
« Notre principale contribution, y compris au redressement des finances publiques, c'est qu'on génère de la croissance. Nous ne demandons qu'à investir et à embaucher. Si l'économie est à l'arrêt, les recettes pour l'État et pour les régimes sociaux sont à l'arrêt. Il faut quand même bien se mettre cela en tête. Il faut que les politiques prennent en compte l'opinion publique, parce que je ne rêve pas, il y a un sondage sorti la semaine dernière qui le dit : 55 % des Français considèrent qu'il ne faut pas taxer plus encore les entreprises. L'image de marque de l'entreprise n'a jamais été aussi bonne dans l'opinion. C'est quand même bien qu'on assume nos responsabilités. Il faudrait que tous les politiques, y compris ceux qui nous orientent vers un décrochage total, prennent en compte cet état de fait. »